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LE THÉATRE D’HIER.

VI

LES HOMMES.


« Vous vous connaissez donc aussi en hommes, vous ? » — « C’est si facile. » — « Qu’est-ce qu’il faut faire pour cela ? » — « Il faut fréquenter beaucoup les femmes[1]. » C’est le mot de Rousseau dans sa Lettre sur les spectacles : « Voulez-vous connaître les hommes ? Étudiez les femmes. » Des unes on passe sans effort aux autres, que M. Alexandre Dumas n’a pas non plus épargnés. Il les a tous, ou presque tous, pris à l’époque précise où, l’éternel féminin encombrant ou entravant leur carrière d’hommes pratiques, positifs, et avides de jouir, ils ont eu la conscience très claire de leur sécurité et de leur bien-être menacés. Alors ils ont tenu la bride aux grandes passions. Ils ont subi le contre-coup du lyrisme romantique, qui leur apparut à quelque distance comme un enthousiasme fantaisiste et fâcheux. Songeant à point qu’ils avaient sous la main la Loi, la bonne et bienfaisante Loi, ils s’en sont emparés pour couvrir leurs bêtises ou leurs méfaits. Dans ses aspirations à l’idéal, Antony en veut désormais pour sa peine ou pour son argent. Quelques cœurs simples et attardés aux nuages bleus se rencontrent encore ici ou là, que l’auteur a laissés vivre pour la plus grande gloire de la justice et de la morale, curieux vestiges d’une humanité qui s’en va et d’une société tout à l’heure disparue. Et l’Amour ? J’imagine que, ne trouvant plus en ce monde les Valère ni les Clitandre, ni même les Almaviva, M. Dumas a eu la

  1. L’Ami des femmes.