Page:Parigot - Le Théâtre d’hier, 1893.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
LE THÉATRE D’HIER.

triomphante. « … Ah ! si j’étais un homme, il me semble que je voudrais élever au-dessus de l’humanité tout entière la femme que j’aimerais… » Enfin, elle se retrouve sur son piédestal, et ses illusions reparaissent ; et c’est l’assomption libératrice de la vierge vers les sereines splendeurs, d’où elle était un moment descendue. — «… Dire à une femme : « je vous aime », n’est-ce pas lui dire : « Je vous trouve la plus digne, entre tous les êtres, du sentiment le plus noble entre les sentiments ? Oublions la terre, supposons le ciel… » — Rien n’est plus, plus n’est rien ; elle seule a repris sa place, très haut, entre ciel et terre, plus près du ciel, bien entendu, d’où elle domine, d’où elle règne, immatérielle… Oui, c’est bien cela qu’elle avait rêvé, l’amour éthéré, et qui l’élève, et qui la transforme, et qui consacre sa beauté…

— « Je me sacrifierai, j’immolerai en moi tout ce qui ne sera pas digne de vous. Le temps, le monde, l’espace pourront se placer entre nous sans nous séparer et sans avilir cet amour, qui n’aura besoin ni de la voix pour se manifester, ni de la forme pour se convaincre. Tenez, je vous aime par-dessus tout, et je ne toucherais pas à un pli de votre robe. Est-ce cela ? » — « Taisez-vous, je vous adorerais. »


Ceci est un oubli, un lapsus de la Vierge immaculée, et pourtant femme, le sang d’Epaminondas qui a fait un tour, un souvenir de l’enveloppe matérielle non encore entièrement dépouillée ; mais qu’elle est amusante ainsi, la petite déesse, dans cet élan vers l’Idéal, l’Idéal infini, (dont elle est le centre), et qui ne voit point que le séraphin agenouillé, en extase, dont elle accueille les vœux mystiques, est un gaillard au teint ambré, aux muscles d’acier, à la poitrine large, un athlète, et non un ascète, dont la prière est déjà une étreinte ! Seconde chute, plus brutale encore que la première. Cette fois, c’en est trop ; et ici apparaît, dans toute sa beauté, cette aptitude de la femme moderne à la déraison. Elle s’est refusée à son époux, elle a rêvé d’amour platoni-