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LE THÉATRE D’HIER.

monde nouveau, qui s’agitent confusément, les yeux tournés vers le Palais de Justice ? Et voyez-vous, dans ce brouhaha, la figure que fait l’amour ?

Chacun fait ici-bas la figure qu’il peut.


Les poètes, qui sont de grands fous isolés, continuent à le célébrer avec bien de la candeur. Cependant il est aux prises avec l’argent, le mérite personnel de la société moderne ; avec la hiérarchie des castes d’hier ; avec le sens dépravé de la liberté, qui confine à l’irresponsabilité ; avec l’égoïsme indépendant et sec, qui traduit la formule : « is pater est quem nuptiæ demonstrant » par : « serviteur au nouveau-né » ; avec la fureur du luxe et les passions magnifiques, achetées au comptant, liquidées à terme, qui sont l’élégance et le crédit des fortunes trop vite échafaudées ; avec la concupiscence, fille du luxe ; avec le déchaînement de ce positivisme à vilains ; et, comme la loi, le préjugé, l’opinion, la morale sont des armes à double tranchant qui se tournent contre lui, l’amour humilié ou découragé se venge par l’adultère coté à la Bourse : il n’y a pas de petits moyens. S’il se rencontre encore quelques bonnes âmes pour constituer des familles, avoir des enfants, les élever, les instruire et les marier à leur tour, c’est apparemment qu’il y a quatre-vingt-dix-neuf pour cent d’imbéciles, sans compter celui qu’on oublie toujours. L’amer levain d’observation fermente. Et voilà le Fils naturel, Denise, la comédie de l’abandon ; le Demi-Monde, l’Étrangère, la comédie des déclassées ou des mal classées ; Diane de Lys, la Princesse Georges, Francillon, la comédie de l’adultère, sans compter 'Une visite de noces, qui en est la théorie, Monsieur Alphonse la rédemption, et la Femme de Claude, la prostitution. Et voilà les dessous solides, les vérités dramatiques, les cruelles antinomies, sur lesquelles repose ce théâtre, et qui en sont le mouvement et la vie. Et puis, si vous voulez voir réunies en une même œuvre l’origina-