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LE THÉATRE D’HIER.

la vie moderne, ou tout au moins de l’idée que nous en ont faite les plus récentes théories (quelques-uns disent : sophismes), et l’influence croissante du positivisme dans notre société. C’est encore la lutte du devoir et de la passion, mise au point, et accommodée au goût de notre époque Mais les maximes et les sentences abstraites s’y incarnent en de véritables personnages, qui ont un rôle, et qui s’appellent la Loi, l’Opinion, la Conscience, la Fatalité.

Ces notions, ces idées générales s’animent, prennent un corps, ont une silhouette, et le relief de caractères vivants et agissants. Parfois même elles sont les protagonistes, douées d’une rigueur et d’une intransigeance égale à celles des comparses, qui sont les hommes, types d’actualité. « La princesse de Birac, c’est l’Amour ; elle pardonne. M. de Terremonde, c’est la Passion ; il tue. » Et de même Claude, c’est la Conscience, Cantenac la Fatalité, le comte de Lys la Loi, Sternay le Préjugé, Lebonnard la Dialectique, et Mme Aubray tout l’Évangile. Il y a là une manière d’anthropomorphisme très moderne et dramatique. Le Code n’est plus seulement un recueil de textes ; il est né de l’homme ; il est homme ; il est dogmatique, autoritaire, étroit, borné, de chair et d’os comme celui dont il émane, et qui est d’intelligence courte, comme lui. Vous pensez bien que ces personnages sont pour le spectateur d’une clarté parfaite, arrêtés en leurs desseins et entêtés dans leurs volontés. La Loi meurt, mais ne fléchit point ; l’Opinion est exclusive et aveugle ; la Fatalité, implacable perpendiculaire : la Passion, dégradation lente et irrésistible ; pour l’Amour, il est éternel par essence et définition ; il est l’énergie du cœur, qui ne dévie point, que rien n’enraye, pas même la mort. « Vous n’avez pas aimé, si vous n’avez pas cru qu’après la vie vous alliez aimer toujours, éternellement jeune, éternellement beau, l’être que vous avez aimé sur la terre, soit qu’il vous ait devancé, soit qu’il doive vous