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LE THÉATRE D’HIER.

c’est la suprême ressource de l’intrigue aux abois. Vaincu par l’austère sang-froid de la robe courte, il renonce au monde, qui le quitte, au luxe, qui se dérobe sous lui, à la pauvreté, qui le menace et qu’il redoute. Quand le diable devient vieux, et qu’il n’est pas trempé contre les vicissitudes, il prend un biais, qui a l’air d’une résolution : il se fait ermite. « Assez d’erreurs et de scandales ! Mes yeux se sont ouverts, je renonce au siècle. » — « Merci, général. » — « Oh ! dans dix ans. » — « Peut-être. »

Et voilà donc ces caractères, qui personnifient au plus haut point les vices du milieu de notre siècle, et qui sont devenus à bref délai les types de ce théâtre. Non qu’Émile Augier fût porté de nature à peindre avec plus de complaisance les perfides dehors d’un positivisme de pacotille. Au contraire, il n’a pas eu trop de son regard acéré, de son talent difficile, de son goût sûr et diligent pour percer à jour le néant de ces âmes fastueuses, pour fondre et refondre le trait de ces splendeurs maquillées, pour réduire à sa valeur le clinquant de ce scepticisme agioteur et le remettre en sa place, pour maintenir l’harmonie de son œuvre et conserver à sa comédie la véritable portée morale et sociale, qui en est le premier et le dernier mot, pour défendre enfin l’intégrité de la famille, qui est le rempart des honnêtes gens, et renseigner sur ses propres excès la société contemporaine, issue de la Révolution.


IX

L’ÉCRIVAIN.


Avec Molière, Émile Augier est le seul auteur dramatique qui ait écrit d’une égale supériorité en vers et en prose. Son style poétique, dont il ce servit surtout à