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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

dans la république des lettres, par un singulier contresens, l’âme de la société moderne et des nouvelles couches. Or nul génie ne souffrit d’une fièvre plus aiguë d’aristocratie. Musset mis à part, qui a plus d’un trait commun avec lui, on s’étonne que les petits-fils de Figaro se reconnaissent en lui. Ou plutôt, ils croient s’y reconnaître : le portrait les flatte. Ils sont déjà dans le plein de leur morgue bourgeoise. Puis, Byron est un voyageur de génie ; et il a pensé délivrer la Grèce. Les enfants de la Révolution, des guerres de l’Empire ont rencontré leur poète. Dumas salue en lui un « apôtre », un « prophète », un « martyr[1] ». Il en prend le masque, comme on porte le deuil d’un riche collatéral ; il l’impose à ses personnages pendant un temps. Mais ne jugeons pas les gens sur l’apparence ; ce n’est là qu’une attitude, un jeu de physionomie. On a dit toute l’influence du Giaour sur Antony. On l’a dite, au point de l’exagérer. Elle ne va pas plus loin qu’un certain vocabulaire et quelques gestes. À en juger d’après ses drames et même sur ce qu’il a écrit de Byron, Dumas l’a senti médiocrement et peu compris. Le moyen qu’il n’en fût pas ainsi et que la poésie byronienne agît profondément sur cette populaire nature, nullement dilettante, toujours en belle humeur, en fermentation, dans la fougue d’agir et la joie de vivre ? Il conte que, dans son château de Monte-Cristo, il baptisa un de ses singes du nom de Potich, anagramme de Pichot, l’honnête Pichot qui traduisit Byron[2]. C’est l’épilogue de la crise satanique : et il est plutôt gai, le singe ne passant pas pour un animal désolé.

Il me paraît que Dumas a surtout vu dans cette poésie de belles têtes de drame, et dans le Giaour un

  1. Mes mémoires, t. {{rom-maj|IV]], ch. xciv, p. 82.
  2. Histoire de mes bêtes, ch. ii, p. 11.