Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32
LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

métier, qui fut probablement Dalberg, directeur du théâtre local. Fiesque n’est plus ambitieux ; il ne veut plus régner sur Gênes ; il n’est plus jaloux de sa femme ; la scène du mouchoir, que Dumas utilisera dans Henri III, a disparu. Les conjurés sont tous des héros ; Sacco n’a plus de dettes ; Bertha ne subit plus les derniers outrages, à peine les premiers ; Julie est humiliée seulement devant la comtesse de Lavagna, qu’elle a voulu empoisonner : et cela est bien ainsi. Fiesque ne meurt plus, ni Léonore[1], pas même le nègre, qui va se faire pendre ailleurs. Personne ne meurt plus, sauf Gianettino, pour l’exemple. Mais, dites-vous, que fait-on de l’histoire ? Que devient le drame ? On trouvera dans l’Appendice quelques lignes où Schiller tranche net sur le premier point. « Je ne suis pas, dit-il, l’historien de Fiesque. » Pour le drame, il fallait sans doute qu’il fût jouable pour être joué.

Dumas n’a pas connu le remaniement de Manheim. Il a travaillé sur une traduction du texte de 1783. Voyons donc l’auteur de la Noce et l’Enterrement aux prises avec cette œuvre, dont les défauts le passionnent au moins autant que les qualités.

D’instinct il fait entrer de l’air en cette énorme machine. Il diminue le nombre des personnages ; il leur choisit des noms moins rares : Horatio, Lorenzo, ou plus à la mode : Manfredi. De Bertha il fait Berthe, à la française. Il émonde, supprime, allège, évite la plupart des changements de lieu, et imprime à son drame le mouvement dramatique. Il réunit les fils de l’intrigue ; il resserre en une seule les scènes dispersées ; il concentre l’intérêt sur le personnage prin-

  1. Schiller a supprimé cette mascarade de la fin, où Léonore, habillée en homme, ramassait le manteau écarlate de Gianettino et se faisait tuer par Fiesque, sous ce déguisement. (V, sc. xi, p. 336.)