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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

obscur ». À cette femme frémissante, et « dont le sang bouillonne »[1], il a murmuré des paroles embrasées ; il lui a coulé des baisers qui brûlent ; il lui a mis le feu aux veines. Elle demande grâce ; elle demande au moins de la lumière. « Si la nuit n’était si épaisse, tu verrais mes joues enflammées, et tu aurais pitié de moi. » Et il presse l’attaque ; et elle s’avoue vaincue, trop faible pour lui résister ; et il fait mine de s’éloigner : « Fiesque !… Oh ! je perce le cœur de tout mon sexe… Tout mon sexe te haïra éternellement. Je t’adore, Fiesque ! » Eperdue, haletante, suppliante, elle se prosterne à ses pieds. Alors la lumière se fait. Fiesque n’est point à demi vengeur de sa femme. Ilrecule de trois pas, laisse la comtesse à genoux, tire la sonnette, soulève la portière, fait entrer la compagnie, tombe dans les bras de Léonore, et en présence des invités, des conjurés, et de toutes les dames, exécute la veuve Imperiali, la traite de folle, avec l’emphase d’un héros qui serait un peu goujat : « Non, messieurs, non, mesdames, je n’ai pas accoutumé de prendre feu puérilement à la première occasion[2] ». Puis, il la fait conduire en prison, au bras d’un laquais. Ne voilà-t-il pas une situation forte et d’un tact délicat ?

Il est véritable que l’auteur de Fiesque s’entend mieux à exploiter la violence d’une scène qu’à la préparer. La longueur de sa pièce tient, pour beaucoup, aux situations qu’il prolonge, ou même qu’il dédouble pour en forcer l’effet. Bertha, fille de Verrina, a subi les derniers outrages du neveu du doge. C’est déjà une singulière angoisse que l’aveu de la malheureuse à son vieux père. On ne s’en contente point. Verrina songe d’abord à tuer son enfant, dans un transport d’héroïsme

  1. La Conjuration de Fiesque à Gênes, IV, sc. xii, p. 310.
  2. Ibid., IV, sc. xiii, p. 313.