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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

celle de la foule et de la société. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit d’art dramatique et surtout de celui du xixe siècle, l’étude sociale devient une nécessité. L’esthétique littéraire, la critique technique même ne suffisent plus. Les mœurs et les milieux ont envahi la scène avec l’individu, souvent même aux dépens des caractères. Le drame est né de cette évolution, et le génie de Dumas de cette intuition. Il n’a jamais perdu le contact du grand public populaire. Ce n’est pas le moindre mérite d’Antony et de la Tour de Nesle. Sur ce pied, et pour sa part, la critique littéraire entre en compte, qui détermine la qualité des œuvres et des genres. Ici est manifestement l’infériorité du drame et de Dumas. Il ne nous a point coûté de le constater d’abord.

Cet homme de théâtre fut un tempérament au service d’une imagination, à une époque où le peuple et l’individualisme venaient de rompre les barrières. De là ses fautes de goût dans ses œuvres et dans sa vie. De là vient qu’il fut un gâcheur de son génie, et qu’il a souvent offensé, au profit de ses convoitises de toute sorte, la grammaire et la morale. L’influence française de Rousseau[1], il l’a recueillie d’un génie allemand, Schiller, dont les rêves tumultueux l’avaient singulièrement adultérée. Il n’a guère vu Shakespeare qu’à travers les violences du langage et du geste. Du byronisme il s’est fait un masque. En Walter Scott il a trouvé un décorateur. Lorsqu’il vise à la littérature et traduit sur la scène son âme acquise, celle de ses lectures, il s’exalte, il fait rabâcher Antony, il est plus badaud que bizarre, et plus vulgaire que singulier.

  1. Théâtre de Schiller. t. I, p. 357. « Fiesque, que je ne puis mieux recommander préliminairement qu’en disant que J.-J. Rousseau le portait dans son cœur. » (Avertissement de l’auteur au public.)