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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

et d’action, que cherchait la littérature, — s’il l’a écrit un peu en dehors d’elle.

On conçoit l’étonnement d’un Casimir Delavigne, plus instruit, plus humaniste et curieux d’art[1]. On comprend surtout la sévérité des classiques et l’embarras d’un J. Janin[2]. Jamais exemple plus magnifique n’accusa plus évidemment l’insuffisance de la critique littéraire au regard du théâtre. Depuis cinquante ans et davantage, le drame est comparé à la tragédie et jugé sur les préfaces et les pièces de Victor Hugo. Et cet exercice d’Ecole continue. Longtemps, longtemps encore, on disputera des conventions de la tragédie et du drame, et l’on démontrera victorieusement la supériorité de Bérénice sur Hernani. Du changement des conditions scéniques, des mœurs sociales et des nécessités dramatiques, à peine est-il question. Sous l’influence de la philosophie positive, quelques théoriciens ont accompli ce progrès d’employer à l’usage de leur idéal de plus en plus absolu des classifications plus rigoureuses et des principes plus universels. On disserte par abstraction des genres les moins abstraits. On fait de la critique, comme on ferait de la géométrie, dans l’espace. C’est le cas, lorsqu’il s’agit de Dumas, de modifier légèrement le mot de Chatterton : « Jamais ils ne purent enchaîner dans des canaux étroits et réguliers les débordements tumultueux de son esprit[3] ». Aussi l’auteur d’Antony, d’abord pris au tragique, n’est-il plus pris au sérieux.

  1. Mes mémoires, t. IX, ch. ccxxiii, p. 62. « C’est mauvais, ce que fait ce diable de Dumas ; mais cela empêche de trouver bon ce que je fais. »
  2. Histoire de la littérature dramatique, t. VI, pp. 238 sqq. Cette étude m’a paru un fouillis. Cf. article du Journal des Débats cité plus haut, à propos d’Angèle, du même J. Janin, et qui trahit la même indécision.
  3. Chatterton, I, sc. v, p. 31.