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L’ÉCRIVAIN. — CONCLUSION.

qu’il presse le dialogue coupé ou balance les tirades. Lisez à cet égard Antony. Vous serez toujours frappé de l’exacte adaptation des mouvements à l’émotion qui en doit résulter. Le monologue du IIIe acte, les divagations apparentes sur la mort, le suicide, le « linceul des morts » ne sont pas ce qui doit nous plaire davantage [1]. Il faut pourtant se rendre compte de la variété, de la rapidité, de la précision scénique que l’auteur y a mises, des angoisses qu’il y a semées et qui ne nous laissent pas un seul instant de répit. Nous sommes entraînés malgré nous, par des théories furibondes, mais par un progrès continu et qui ne nous fait point grâce, à la violence extrême de cet acte, à la cruauté meurtrière de la fin. (Comparez la méditation de Chatterton sur le suicide[2].) Narrations[3], scènes d’exposition, ou même de déclamation, tout est animé des mouvements nécessaires et tout y est en scène : dialogue rapide, progression haletante, esprit en dehors et en haleine. J. Janin, quand il affirmait qu’Antony est trop long, répétait la même erreur que l’acteur Firmin[4]. Du comédien elle étonne plus que du critique. Même quand Antony déclame, il agit. Supprimez la scène du hasard ou des préjugés[5], on sait, à cette heure, le germe fécond qui manquerait au drame. Démontez-les ; elles sont solidement ajustées ; et, en dépit des exclamations terribles, tout y tend fiévreusement à l’action. On ferait la même étude de la scène

  1. Antony, III, sc. iii, pp. 196-197.
  2. Chatterton, III, sc. i, pp. 54-58.
  3. Voir le récit de Buridan : « … En 1293, il y a vingt ans de cela, la Bourgogne était heureuse… » (La Tour de Nesle, III, tabl. vi, sc. v, pp. 60 sqq.) C’est tout simplement un chefd’œuvre d’action dramatique. On n’a pas fait mieux.
  4. Histoire de la littérature dramatique, t. VI, pp. 265 et 267. Cf. Mes mémoires, t. VII, ch. clxxv, p. 180.
  5. Antony, II, sc. iii et sc. v.