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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

Joignez qu’il emploie à tout coup voici pour voilà, qu’il abuse de : « et puis ensuite », qu’il ose : « tous ses délices[1] », et que « dans un seul but[2] » lui échappe. Quelles minuties !

Il procède d’inctinct, de verve et de métier. Il a un goût empirique, c’est-à-dire hasardeux, mais qui sait toucher à propos le public. Je ne parle plus de ce formidable arsenal d’exclamations qu’il emprunte de Shakespeare et de Schiller, ni des jurons historiques qu’il glane dans Scott : mode du langage, violent et à poings tendus en 1830, subtil et cotonneux en 189***. Cela n’a guère plus d’importance que la mode des chapeaux. Et, certes, faute de goût, Dumas est capable d’engoûment. De l’horrifique galimatias il ne s’est jamais guéri, par la raison que certaines métaphores à d’Hamlet ou de Fiesque firent d’abord impression sur son cerveau. Il passera sa vie et ressentira une grosse joie robuste à en ressasser la brutalité devenue banale. Entre ses mains elles ne seront plus qu’un arsenal à tintamarre, un tonnerre de quincaille qui ne fait que du bruit. Les poisons brisent les vases ; il ne faut pas moins de vingt poignards pour fouiller un cœur. Si l’orage gronde, on sait que c’est un étrange concert, où Dieu et Satan… etc., etc. Le sang du vieillard retombe « pendant l’éternité, goutte à goutte » sur notre cœur, « dévorant comme du plomb fondu[3] ». Il ne saurait se tenir en deçà du style qu’il imite. Il balance d’effroyables antithèses. « Je disais donc, messeigneurs, qu’avant de renvoyer à Dieu, sa tête à la main, celle qu’il nous avait envoyée, une couronne sur la tête[4] … » Il a de suffocantes ellipses. « Des nuits pleines de spectres,

  1. Don Juan de Marana, IV, tabl. vi, sc, i, p. 75.
  2. Kean, V, tabl. vi, sc. v, p. 195.
  3. Teresa, V, sc. iv, p. 229.
  4. Catherine Howard, IV, tabl. vii, sc. i, p. 291.