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L’HOMME ET SON ÉPOQUE.

secret fatal. C’est le régal de l’imagination populaire. Le nom de Fiesque agit comme un talisman sur le peuple de Gênes. Fiesque est ambitieux ; il a le courage, la volonté, le génie et l’auréole. Dumas, qui est peuple, y trouve des applications à une autre légende beaucoup plus proche de lui. Et quel dénoûment ! À l’heure de l’apothéose et de l’ambition satisfaite, au moment où le soleil resplendit sur le maître de Gènes, sur le défenseur des libertés proclamé doge à son tour, le vieux Verrina le pousse par l’épaule : le doge se noie, le doge est mort ! Fatalité des ambitieux et des doges, qui domptent les foules, et qu’un faux pas anéantit. Dumas est tout à son affaire.

La pièce de Schiller, telle qu’on l’imprima en 1783, n’est pas sans défaut, n’étant ni historique ni dramatique. Au regard de la scène, elle semble lourde, péniblement composée, coupée par de continuels changements de lieu ; et elle se traîne en des actes interminables pour aboutir à des monologues lyriques. Seuls, le troisième acte s’achève sur un mot de théâtre et qui fait attendre quelque chose, et le quatrième sur une situation touchante. Schiller suit au moins trois intrigues, qui traversent les actes sans se raccorder ; et il en ajoute une quatrième, et encore une autre, sans y prendre garde. Je vois bien que l’intérêt repose sur l’ambition énigmatique de Fiesque ; mais l’austérité républicaine de Verrina et le désir de venger sa fille me distraient ; et je songe que la dynastie des Doria fait encore une diversion, à moins que je ne m’attache à suivre les amours de la veuve Imperiali, qui veut empoisonner la femme de Fiesque, ou encore l’amour de celle-ci pour son mari, ou même les fiançailles de la pauvre Bertha, fille de Verrina, ou peut-être la passion de Calcagno pour Léonore, ou plutôt la jalousie de Fiesque-Macbeth, qui dans les loisirs