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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

ses moyens dramatiques exempts de timidité, et d’une conception de la passion scénique qui dévore le cœur et le cerveau. Qu’il ait marqué tout cela de sa pénétrante griffe, il va sans dire. Mais quand, après avoir étudié les origines du drame moderne en 1829, on se place à l’autre extrémité de ce xixe siècle, la tradition se développe à nos yeux dans son unité. Dumas père a renoué avec Beaumarchais et légué à son fils le soin de se rattacher à la même solide chaîne. Ce que l’un a souvent peint d’intuition, l’autre l’a renouvelé d’observation. L’imagination de l’un fut plus féconde, celle de l’autre à la fois plus idéologique et positive ; mais il faut enfin proclamer que leur sensibilité fut pareille et leur réalisme de semblable qualité. Ceux qui tiennent l’auteur de la Femme de Claude pour un dramaturge sec et impersonnel commettent la même erreur que ceux qui prennent l’écrivain d’Antony pour un lyrique Imaginatif. Ce sont les mêmes qui voient en Racine un doux et tendre génie. Que pensera la postérité des idées d’Alexandre Dumas fils ? J’en suis moins sûr que je ne fus jadis ; du moins, je n’ai plus à m’en expliquer[1]. Mais s’il existe une façon de sentir commune aux Français depuis la Révolution, si le rôle moral de la femme s’est développé à contresens de l’une à l’autre extrémité de notre époque, si, par suite, la passion a été renouvelée, sinon en son fond même qui est physiologique, du moins en ses démarches qui sont matière de théâtre, si l’adultère enfin est devenu le principal ressort et peut-être le nécessaire préjugé du drame historique, moderne, social, légal ou scientifique, c’est dans l’œuvre des Dumas qu’il en faudra chercher la fiction réaliste et la raison démonstrative.

  1. Voir notre Théâtre d’hier. Alexandre Dumas fils, § VII et VIII. pp. 200-233.