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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

Il est « dans sa fonction totale », il « se met dans la loi éternelle[1] ». Quand les Dumas se mêlent de faire un grand homme, ils n’économisent pas sur la taille. L’avantage du Dumas fils, plus positif et pratique, est de le concevoir plus utile et de le faire servir à de plus beaux desseins.

Claude absout, damne, tue, comme Dieu même avec qui il « cause »[2], et qui lui répond. Qu’on se rappelle la prière du IVe acte. C’est encore le monologue de Fiesque, où Dumas père a si souvent puisé. « Quelle belle soirée, claire et calme ! Quel silence ! Quelle grandeur ! Quelle harmonie ! Comment se fait-il, nature éternelle, confidente discrète, conseillère inépuisable, intermédiaire toujours prête entre Dieu et nous, comment se fait-il que tu n’apportes pas plus d’apaisement aux passions et aux misères des hommes[3] ?… » Nous retrouvons là, prise à sa source première, l’exaltation héroïque de Richard, du Comte Hermann et de toutes les volontés triomphantes des Dumas. Mais la différence avec Schiller, c’est que cette méditation de Claude n’est pas exclusivement un symbole ou une élévation. Elle nous élève en nous préparant, et, alors même qu’elle semble s’évaporer dans les nues bleues de l’idéalisme, elle va droit au dénoûment. Qu’ils se tuent, le tuent, ou la tuent, le lyrisme est un moyen de théâtre, un acheminement à la conclusion ; et les deux Dumas y sont d’accord. À Claude, à Daniel, à Rébecca, au patriote, au croisé d’Israël, à l’immatérielle fiancée de l’âme, s’opposent Cantagnac et la femme de Claude, l’un et l’autre types de drame et

  1. Préface de la Femme de Claude, p. 210.
  2. La Femme de Claude, III, sc. ii, p. 296.
  3. La Femme de Claude, III, sc. i, p. 292. Cf. la Conjuration de Fiesque à Gènes, III, sc. ii, p. 273 : « Que vois-je ?… La lune est couchée… etc. »