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DUMAS PÈRE ET DUMAS FILS.

femme excellente[1]. À peine puis-je rappeler que Dumas fils a vu l’idéal chrétien à travers une complexion qu’il tient de famille, peu passive, et peut-être plus exempte d’humilité que de courage. Ce qui nous importe, en cette affaire, ce sont les moyens et les personnages, dont il s’est servi pour arriver à ses fins. Or les moyens sont violents, qui aboutissent à une conclusion « raide[2] », comme dit Barantin. Aussi bien, les personnages ne sont pas des caractères médiocres. En madame Aubray les mères verront une martyre, et les hommes instruits une héroïne d’un drame religieux, qui accomplit le sacrifice d’Abraham, avec le zèle dont Polyeucte aspire aux joies du ciel. Cet idéalisme est dévorant et impérieux, autant qu’une passion plus humaine. Camille Aubray, avec ses transports, n’est pas plus atténué. Il est un Antony, non plus révolté, mais pieux, non pas homme de génie, mais docteur en médecine, que son diplôme et le genre d’études qu’il a faites pour l’obtenir semblaient propres à prémunir contre les tentations de Satan qui se plaît à guetter les jeunes hommes de vingt à vingt-cinq ans et glisse en leur âme les coupables curiosités à l’égard des jeunes femmes du même âge et au-dessous — ou plus souvent même au-dessus. S’il n’est pas phtisique, comme feu son confrère Müller, du moins il relève de maladie. Et il aime sa mère, meilleur fils que chrétien. Il est flatté de ce qu’elle soit encore jolie ; les charmantes frivolités du visage féminin ne lui déplaisent pas : « Oh ! l’adorable maman[3] ! » dit-il pendant qu’il chiffonne d’un doigt léger le front de la sainte femme : autre Saint-Mégrin, mais plus près de nous. Cet homme jeune, dévot, qui a disséqué

  1. . Voir notre Théâtre d’hier, pp. 216 sqq.
  2. Les Idées de Madame Aubray, IV, sc. vi, p. 341.
  3. Les Idées de Madame Aubray, I, sc. iv, p. 239.