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DUMAS PÈRE ET DUMAS FILS.

tions de Figaro et de M. Kean, je n’affirmerais pas que la valeur démonstrative du théâtre de Dumas fils n’en fût un peu diminuée[1]. Le faubourg Saint-Germain vit dans l’isolement et le silence ; ailleurs gronde et s’agite le monde moderne ; en d’autres faubourgs fermente la société de demain. Antony a marqué sur ces types nouveaux d’autres empreintes. Du génie, ils en ont par droit de naissance, comme Figaro a de l’esprit. Jacques Vignot sait tout, a tout vu, tout lu, tout appris ; et il fait un excellent secrétaire de ministre vers l’âge de vingt-trois ans[2]. M. René de Charzay, gentilhomme sans fortune, M. de Cayolles, gentilhomme théoricien, ne sont pas moins heureusement doués[3]. Les livres ne leur coûtent aucune peine à écrire. C’est pure modestie si, dès leur majorité, ils n’entrent pas à l’Institut. Pour Olivier de Jalin et de Ryons, ils possèdent en propre le plus rare mérite, et le plus précieux. Quelle maxime leur est inconnue de la subtile science d’aimer ? Et tout cela est observé : car l’observation a succédé à l’imagination, le positivisme à la légende.

À l’importance que prend l’adultère sur ce théâtre, à la façon dont l’amour y est représenté, on reconnaît encore l’influence d’Antony. Ni Olivier ni de Ryons ne s’écrient plus : « Honte au lien de sang !… » Grattez ce vernis d’ironie désabusée (« … Désabusés !… Suzon, Suzon, Suzon ! Que tu leur donnes de tourments[4] ! »)

  1. Voir notre Théâtre d’hier, p. 208.
  2. Ibid., p. 209. Voir le Fils naturel (Th., III), II, sc. iii, p. 103. D’ailleurs, Jacques (tels les héros de Dumas père, tel surtout Alfred d’Alvimar), au moment où lui fut révélé ce qu’il pouvait apprendre de plus désagréable, au moment de refaire par lui-même sa vie et son existence, a « douté de la vie », s’est « abandonné à la colère, à la haine " (le Fils naturel (Th., II), III, sc. v, p. 146).
  3. La Question d’argent, III, sc. i, p. 310.
  4. Antony, IV, sc. vi, p. 212 ; et Monologue de Figaro.