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DUMAS PÈRE ET DUMAS FILS.

qui va suivre. Songez-y : tout cela — l’intimité du sujet et le serré de la facture — était au fond du drame conjugal d’Henri III et d’Antony. Dumas fléchit aux temps nouveaux, au réalisme, au positivisme. Il tient, comme il peut, l’imagination en bride. Le cadre ni la couleur ne flamboient plus. Et, certes, il y peine : la folle du logis s’échappe ; il n’arrive pas encore à franchir par la seule force de la déduction et de l’observation les passes difficiles ; il a recours à un Américain résolu pour sauver les invraisemblances. Il ne se déchaîne plus ; mais, malgré tout, il s’élance et prend son essor vers l’azur. Et le Marbrier se termine, ainsi que Monsieur Alphonse, par une élévation : « Ô mon Dieu ! Que vous êtes bon ! Que vous êtes grand[1] ! etc. »

Vingt ans après Antony, Richard, Angèle, cette imagination est à la fois attirée par les antagonismes domestiques et les nobles idées simples et symboliques. Il n’est pas douteux que ce symbolisme soit un écho du romantisme. Mais il ne s’agit plus de « tout regardé sous toutes ses faces[2] ». C’est du sein de la réalité, du cœur même de la vie réelle que Dumas l’exprime. Séduit par une trilogie d’Iffland, Crime par ambition, il l’adapte à la scène française et au goût du moment. Mais en même temps, il essaye d’objectiver une idée générale, de mettre à la scène la Conscience. Sans doute, il n’y réussit qu’à moitié, puisque la conscience est l’œil de Dieu et non celui des hommes : du moment qu’Édouard Ruhberg avoue son crime, il ne relève plus d’elle seule. Néanmoins, la tentative est notable de ce drame en six actes, trois dans le monde bourgeois, trois dans un milieu aristocratique, avec, dominant cette opposition, une idée générale personnifiée : sinon

  1. Le Marbrier, III, sc. viii, p. 280.
  2. Voir plus haut, p. 131.