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DUMAS PÈRE ET DUMAS FILS.

il fit maint effort d’artiste, et dans un sens qu’il faut préciser, si l’on ne veut pas tomber dans l’erreur commune à ceux qui n’ont lu ni ne connaissent tout son théâtre.

Oui, quand il eut extrait d’Antony toute la substance, il continua. Il continua, au hasard des collaborations et des entreprises, à jeter dans ses drames ou parmi ses énormes machines historiques des gaillards découplés, musclés, friands de la lame et de l’amour, et dont les passions dirigent et illuminent l’histoire ou la vie à leur gré. Lorsqu’Antony se fut apaisé en d’Artagnan, il continua à peupler la scène d’Antony et de d’Artagnan, et de ces faibles femmes sensibles et sensuelles, héroïques et moites, soucieuses de leur réputation plus que de leur vertu, et qui se fondent en des langueurs au son de la voix des hommes. Il continua, peignant les mêmes figures populaires, à enrichir la scène de situations dramatiques souvent neuves, et à éprouver tous les ressorts nécessaires au drame de ses successeurs.

M. Victorien Sardou ne le contestera point, qui a écrit Patrie, un chef-d’œuvre à la façon de Dumas, qui a vingt fois à Dumas juxtaposé Scribe, et qui, poussant à bout la conception du drame historique selon le genre d’Henri III et de Caligula, a enfermé, pour le plaisir du public et les exigences nouvelles de l’érudition, l’intrigue passionnelle de Theodora dans les minutieuses splendeurs du décor archéologique. Ni Émile Augier ne fut rebelle à l’influence de cet inventeur de situations[1], ni

  1. Il est plus près de Scribe mais, dans les scènes dramatiques, il lui arrive de se rappeler Dumas. J’ai indiqué plus haut, p. 319, n. 1, la scène de la pendule à l’acte II d’Antony et celle de Maître Guérin, IV, sc. vi, p. 157. La scène de Poirier décachetant la lettre de son gendre, III, sc. vii, p. 98, est analogue à celle de Delaunay dans Teresa, IV, sc. x, pp. 214 sqq. On trouvera dans le Chevalier d’Harmental un premier dessin de la Contagion.