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LES SUITES D’« ANTONY».

Elle est grosse de péripéties tempérées, d’inquiétudes sans angoisse, pour le succès sans scandale d’une comédie bourgeoise, où l’auteur met son ingénieuse coquetterie à faire signer de tout son monde le contrat, c’est à savoir l’absolution des péchés en bonne morale courante.

Cette morale ne fait pas le compte des Dumas. Alfred d’Alvimar est tué ; M. Alphonse sort écrasé sous le mépris. Ni l’un ni l’autre n’arrive au haut de l’échelle des femmes, riche, béni, glorieux. Dumas le père et Dumas le fils vont tous deux jusqu’au bout de leur idée et heurtent l’optimisme complaisant de Scribe par leur intrépidité énergique ou logique. Monsieur Alphonse est une reprise d’Angèle et d’une Chaîne ; Dumas fils n’y recule devant aucune conséquence de la situation première, non plus que dans Denise. Il a pareillement tout le courage de son sujet. Scribe biaise, atténue, sourit : il machine une comédie moyenne pour la classe moyenne. Les Dumas vont de l’avant, poussent au dénoûment nécessaire, et sont presque toujours dans le drame, leur esprit comique n’étant que précaution ou préparation. Leur morale est souvent contestable, dramatique toujours. Ils engagent à fond la passion, exaltent la philosophie naturelle, l’opposent aux conventions du monde, sans jamais braver celles de la scène. Je ne dis pas que Dumas père soit un moraliste dialecticien comme son fils, ni le fils un dramaturge imaginatif autant que son père. Il me suffit, à la fin de ce chapitre sur les Suites d’Antony, de marquer que de cette vigueur pouvait naître cette logique et de cette immoralité cette morale, — l’une et l’autre rebelles à l’opinion médiocre, aux demi-mesures, aux sentiments à peu près, aux conclusions à mi-chemin, et nécessairement enclines à un réalisme sensuel et audacieux, caractéristique du drame et des mœurs d’un siècle tourmenté.