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LES SUITES D’« ANTONY».

bourgeois dont elle est l’idole, devient un excellent appoint dans le jeu de la fortune et de l’existence. On retrouvera dans la Lutte pour la vie jusqu’à la bonne tante Angélique, qui chaperonne sa nièce ; et s’il est vrai que le soupirant naïf et sincère n’est ni médecin ni malade de la poitrine, comme Henri Muller, du moins est-il bègue et chimiste, presque pharmacien. La Lutte pour la vie, c’est Richard Darlington et c’est Angèle vus à l’autre bout du siècle : la dernière Suite d’Antony.

Ce fils du Hasard jouait du pathos pour être distingué par l’imagination et le cœur de la femme convoitée. Alfred d’Alvimar utilise de sang-froid cette musique et les femmes qui y sont sensibles. Il veut refaire sa vie ; il vient après la seconde révolution. Les appétits excités par la première, déçus par l’autre, n’en sont que plus aigus. Prenons garde que le flegme de celui-ci cache peut-être plus de violence que les exclamations de l’amant d’Adèle. L’Antonisme s’exaspère, mais il s’oriente dans la pratique. Adèle ou Ernestine, la maîtresse d’hier est déjà de l’ancien régime. Alfred se tourne vers Angèle, une toute jeune fille bien née, et d’un mérite solide, c’est-à-dire monnayé. La mère survient, qui est une femme de tête et d’avenir ; il se retourne vers la mère, veut l’épouser, l’épouse, — n’était le passé qui soudain reparaît : Échelle de femmes[1]. Antony en poursuivait une, Richard en a deux, Alfred trois. S’il vous plaît de chercher l’échelle d’hommes, retournez la situation : c’est le Demi-Monde, l’ambitieuse Suzanne entre le marquis de Thonnerins et Olivier, qui sont le passé, et de Nanjac, qui représente le lendemain consolidé. Est-ce assez montrer la qualité réaliste de l’idée d’Angèle ?

  1. Mes mémoires, t. IX, chap. ccxxx, p. 124.