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LES SUITES D’« ANTONY».

ami du prince de Galles et aimé de toutes les femmes. Non, cette descendance du barbier n’est pas modeste.

Chatterton est anglais, et profondément imbu de Werther et de Byron. Kean est français, et tout moderne. Percez la turbulence affectée du banquiste, et par-dessous, vous rencontrerez les deux éléments du rôle sympathique dans l’âge qui va suivre et qui s’arrête vers 1890 : révolutionnaire et sauveur, ennemi de l’ordre établi et conseiller ou confesseur plein d’indulgence. Prenez garde que Kean est plus près qu’on ne pense d’Olivier de Jalin et de de Ryons. Il s’élève contre l’ordre social et méprise les conventions. Ami du prince, il se révolte contre l’air de protection que prend à son endroit cette amitié. Il est indépendant. Au surplus, peu scrupuleux sur d’autres points. Ce pur, ce révolutionnaire accepte les petits cadeaux des grands de la terre ; il ne regarde pas d’où vient l’argent. Il tient d’Antony ; le Fils naturel tiendra de lui. Les lacunes de l’éducation apparaissent chez ces hommes nouveaux. Ils manquent parfois de tact dans les circonstances délicates : Olivier de Jalin ne s’est jamais entièrement lavé du reproche de remettre les lettres d’une femme à un tiers. Notez que ces défaillances sont justement celles qu’ils reprochent à M. Poirier. Ils ne veulent pas être des parvenus ; et tout de même ils en sont. Ils en sont par leur naïve obstination à protéger la femme, auprès de laquelle ils font volontiers le personnage d’une providence. Ces sauveurs, ces directeurs sont un peu jobards. Et Dumas en convient ; et cela est vu[1]. Nés on ne sait pas où, ils aiment les dames, les nobles dames, celles du monde, qui n’ont que des amours de tête. Parce qu’ils ont du génie à bras tendu, ils se croient de fins psycholo-

  1. Kean, V, tabl. vi, sc. vi, p. 200.