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ANTONY.

quasiment poindre. Je ne connais guère au théâtre que l’aristocrate de Vigny qui ait eu cette prescience, ailleurs qu’en des préfaces. Il est vrai que Quitte pour la peur est de 1833 ; quant à John Bell de Chatterton, il date de 1835 ; et encore n’est-il qu’une caricature. Dumas est peuple, au moins par sa complexion de dramaturge ; et peuple, il met sur la scène les Figaro et les Antony en marche vers l’avenir. Il les devine plutôt qu’il ne les observe. Un autre dénoncera plus tard leurs sophismes ; il les agite, lui, dans la chaleur de l’action, dans le mouvement du drame. Avec sa fantaisie énorme, il élabore la passion dramatique qui fournira de matière le théâtre de notre siècle.

Antony n’est pas mort sur l’échafaud. Après son équipée amoureuse, il a fait un plongeon et s’est accroché à la politique. Et d’abord le drame de l’ambition.

Il est brutal, étouffant, tout à fait 1830. Ce n’est plus la violente simplicité de l’œuvre mère. Mais c’en est la vitalité, — héros et pièce, — énergique, effrénée. Les moyens scéniques sont si congruents à l’homme et l’homme aux moyens, que Richard Darlington, quoique moins complexe et suggestif qu’Antony, a fait souche à son tour dans l’œuvre de Dumas, à qui il a suffi de le changer de sexe pour écrire Catherine Howard, de pays pour en tirer Catilina. Quand cet auteur suit une veine, il ne la quitte pas aisément : cette permanence des types, si elle explique sa réputation de fécondité qu’il entretenait avec le plus grand soin, n’est pas la moindre marque de son tempérament populaire. J’ai noté ailleurs les imitations qui se rencontrent dans Richard Darlington[1], et que Dumas a signalées avec la part de ses collaborateurs. Mais pour

  1. Voir plus haut, p. 105.