Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
335
ANTONY.

davantage que les douleurs, angoisses, déshonneur et mort d’Adèle forment une suite de causes et d’effets logiques, qui découlent d’un nouvel état social et légal, duquel le théâtre contemporain va naître. Et nous verrons les femmes, la femme, et non pas seulement Adèle, absorber de nouveau sur ce théâtre les premiers rôles. Celle-ci est la protagoniste et l’aïeule.

Je ne crains pas de dire qu’elle est plus vraie qu’Antony, étant beaucoup moins romantique. Le réalisme y a plus de part. Elle est pâle par convention ; mais ils le sont tous. « La pâleur, a dit Dumas, est pour ces personnages un des premiers besoins du drame moderne[1]. » À peine romanesque : elle croit aux pressentiments et voit beaucoup de[choses dans le mot : adieu. Rien de plus. Elle a « les yeux tristes et la bouche sévère »[2] : on se souvient que Mélanie était fille de Minerve. À vrai dire, elle est bien la fille des soldats de l’Empire, faible femme auprès de ces héros, mais qui a des sens et de l’imagination. C’est par les sensations que l’amour entre en sa fantaisie. Elle a vu Antony, debout, les bras croisés, pâle et triste aussi. Elle a subi « la fascination de ses yeux et le charme de sa voix[3] ». Madame Guichard, la veuve Guichard, l’amoureuse de M. Alphonse, subira ce charme et cette fascination. Adèle avait aimé Antony, avant d’épouser le colonel, non pas seulement d’un amour de tête, mais pleinement, quoique virtuellement, et prête à « palpiter » entre ses bras. Et c’est une femme très douce ; les mères de ces femmes-là étaient tendres aux grognards revenus de loin. Elle a cela dans le sang : la force l’émeut. L’accident du troisième acte la remplit d’indignation et de délice. Elle se distingue par là de

  1. Mes mémoires, t. VII, ch. clxxv, p. 177.
  2. Antony, IV, sc. i, p. 204.
  3. Antony, I, sc. ii, p. 165.