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ANTONY.

voiture[1] ?» — « Non, il est trop tard. Dix heures bientôt. Qui viendrait maintenant ?… Oh ! il m’en coûtera, oui. Ce sera avec peine et lentement que je m’habituerai, le soir, quand nous serons assis l’un près de l’autre, à ne pas frémir de tout mon corps, quand vos cheveux, vos beaux cheveux, soulevés par le vent, viendront effleurer mon visage. Et cependant, un jour viendra, oui, un jour… (Il s’approche de manière à ce que les cheveux d’Adèle touchent presque sa figure.)… Ah !… (Il la prend dans ses bras.) Non, non, ne crois à rien de ce que je t’ai dit. Je t’aime comme un fou, comme un furieux. Oh ! que je ne te revoie jamais, que je meure ! Mais que je te serre encore une fois dans mes bras, contre mon cœur, Adèle ! » — Adèle (pâle et debout, montrant la pendule). « Dix heures ! (l’heure sonne). Et Clara qui vient… » — « Malheur ! » — « Je vous pardonne, Antony, oui, oui, je vous pardonne ; car il faut que vous soyez bien malheureux pour vous oublier ainsi. » — « Oh ! oui, pardon.  » — « Sois la bienvenue, Clara, je t’attendais[2]. »

Quel dramatiste, et quelle scène il avait faite ! Comme la passion d’Antony prenait son élan, juste à l’instant qu’il s’efforçait de la contenir ! Comme Adèle songeait à la fuite, de toute son âme, et à son corps défendant ! Et la lenteur des aiguilles, et la fuite trop rapide du temps !

Dumas a sacrifié cette scène. Il a reculé la confession d’Antony jusqu’à la fin de l’acte, au moment où les propos de salon et la part qu’il y a prise ont déjà presque mis à jour son secret. Non seulement la composition est plus forte et l’intérêt mieux ménagé ; mais le sens de cet acte en est modifié entièrement. Après un premier acte de passion l’auteur fait ici à la passion

  1. Cf. Diane de Lys, III, sc. viii, p. 315.
  2. Manuscrit original, II, p. 20.