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ANTONY.

s’espacent. On sent combien l’acteur Firmin pouvait avoir raison : Antony rabâche et semble un « monomane sans cesse en rage, en fureur, en hostilité contre les autres hommes[1] ». Il est d’une constitution assez forte, quoi qu’en dise Dumas, et plutôt trop que pas assez ; néanmoins , le drame original paraît à la fois déclamatoire et sommaire. C’est Henri III, moins la résurrection « des siècles passés », avec plus de verbiage exotique et postiche : mais ce n’est qu’Henri III. Esquisse violente et endiablée d’une scène de jalousie qui durerait pendant cinq actes, et dont les Lettres à Mélanie donnent la mesure lyrique et philosophique.

Comparer ce manuscrit à la brochure, c’est encore assister à la genèse d’Antony. Dans l’intervalle Dumas s’est avisé de donner une signification plus large à son idée, d’en étendre le sens et la portée. Non seulement, amené à concevoir une œuvre plus étoffée, il a mis plus de scrupule à préparer, lier et nuancer ses idées et même son style ; mais il a tranché et taillé dans le vif de la déclamation lyrique, supprimé les grands mouvements où il s’essayait dans ses épîtres préparatoires, pour faire une plus large place à l’étude morale et sociale. Le monde ne lui est plus apparu comme un personnage vague et servant de cible aux blasphèmes d’Antony, aux tirades furieuses et délirantes. Il devient un protagoniste : il entre directement en lutte avec la passion indépendante et révoltée. La morale de l’œuvre, comme l’intérêt, en est renouvelée. La pièce sociale perce l’étoffe un peu mince du drame lyrique. Ainsi, le travail qui s’est fait entre la rédaction primitive et le texte ne varietur est double. 1o Ce lyrisme à la mode et banal, auquel plusieurs pensent borner le mérite d’Antony, est réduit et repoussé

  1. Mes mémoires, t. VII, ch. clxxv, p. 180.