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LE DRAME d’ALEXANDRE DUMAS.

ments de son cœur ; il a la lièvre, le délire. Le type se dessine : « Oh ! oui, je t’aime, je t’aime, je t’aime ! Oui, cette fièvre m’a passé dans le sang, et il y a plus de passion et de frénésie dans mon amour qu’il n’y en a jamais eu. Ne crains rien. Je t’aime, je t’aime, et ne puis aimer que toi, toi seule au monde… Je t’aime, ô ma Mélanie ; ma tête brûle, et je suis bien plus près, en ce moment, de la folie que de la raison[1] »… Le moment est venu d’être infernal. « … Tu m’as enfin compris, tu sais ce que c’est qu’aimer, puisque tu sais ce que c’est que la jalousie… Connais-tu quelque chose de pareil ? Et ces imbéciles de faiseurs de religion qui ont inventé un enfer avec des souffrances physiques ! Qu’ils se connaissaient bien en tortures ! Cela fait pitié ! Un enfer où je te verrais continuellement dans les bras d’un autre ! Malédiction ! Cette pensée ferait naître le crime[2] ! » Il attrape son dénoûment, il tient les traits sataniques du rôle.

Il les essaye, il les répète ; il soigne son style. Il dispute sur la gaîté et la tristesse, la gloire et la fortune, sur l’amour et la jalousie, et autres beaux lieux communs. Cette faculté de dissertation, qui va poindre dans Antony, se conservera chez son fils[3]. « Oh ! qu’il y a une grande douceur à ne pas séparer ses sentiments, à dire nous au lieu de je, à ne voir dans l’absence qu’une séparation matérielle, qui ne désunit ni l’âme ni la pensée, à se retrouver comme on s’est quitté, à se quitter en croyant s’aimer davantage encore, à être sûr de son avenir comme d’un passé, et à sourire de

  1. Lettres inédites.
  2. Même lettre. Il y prend des précautions… « Ne crois rien de ce que te dira ta mère. Je te dirais presque : Ne crois rien, tes yeux dussent-ils voir, tes oreilles dussent-elles entendre… »
  3. Voir notre Génie et Métier, ch. viii. Les manuscrits originaux de Diane de Lys et du Demi-Monde, pp. 256 sqq.