Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
297
ANTONY.

fait tableau, et qu’il mettra au théâtre. En 1827, il est tout frémissant de ses lectures, les sens et le cerveau en ébullition ; et malgré tout, il est encore un peu jeune, sinon novice ; il ressent tout l’orgueil de nouer des relations avec une dame, une vraie dame, une femme du monde : le sanctuaire où il la découvre lui tourne la tête. Et comme, chez lui, une certaine sensibilité musculaire suit de près l’essor imaginatif, l’amour idéal ne lui suffit pas longtemps. Si d’abord il écrit à son ange jour et nuit, c’est qu’il prolonge ou prévoit ses sensations, ni plus ni moins. « Onze heures du soir. Nous n’avons eu qu’une heure, mon ange, mais d’un bonheur bien doux et bien tranquille. Ce sont nos adieux à notre petite chambre, où nous avons été si heureux et que nous ne reverrons probablement jamais ensemble, que des êtres indifférents occuperont, sans savoir ce qui s’est passé, sans que l’air leur apporte une perception des sensations que nous y avons éprouvées. Ce ne sera pour eux que quatre murs décorés d’un papier plus ou moins frais et d’une glace plus ou moins belle, qui, comme le cœur d une coquette, n’aura rien conservé des tableaux quelle a réfléchis[1]. » Et ailleurs : « À toi, cher amour, que je viens de quitter et que je vais revoir[2]. » Et aussi, dans une lettre composée de deux fragments : tels ces tableaux mi-restaurés qu’on voit aux vitrines de l’encadreur. « … Quel mortel ennui, si tu ne viens pas !.. Eh bien, je travaillerai ou je me coucherai. Quelle singulière chose ! Toi arrivée, le temps va s’écouler jusqu’à quatre heures et demie avec la rapidité d’un instant ; et, seul, il se traînera long, ennuyeux, mortel… Il est une heure, mais il n’y a pas encore de temps perdu… Tu… Ah ! te voilà……

  1. Lettres inédites.
  2. Lettres inédites.