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LE DRAME d’ALEXANDRE DUMAS.

débarqué à Paris, à l’âge de vingt-deux ans, il a un enfant d’une voisine : c’est sa première œuvre de génie. La mémoire de son père lui vaut quelques relations. Il distingue dans une société plutôt austère une jeune femme mariée, lettrée, et seule : ces trois vertus l’enchantent. Pardonnez-lui : il arrive encore un peu de Villers-Gotterets. Or, ce fut le 3 juin 1827 ; il ne l’oubliera jamais, au moins de quatre ans… « Le soir, à huit heures, j’étais debout, bien ridicule à tes yeux, contre cette porte d’entrée[1]. » Voilà un souvenir qui

    vante, datée du mercredi 6 octobre, il est question des répétitions d’Antony et j’y note une allusion à la jalousie de Mélanie. Comme Dumas y glisse ce mot : « Les répétitions ne sont point à craindre, mon ange. Ainsi, qu’elles ne t’inquiètent pas », il est probable que ces deux lettres ont trait à la même personne, et que le fragment que je vais citer de la première est du 4 octobre 1830. « … Hier elle est revenue. Je venais de recevoir ta lettre. C’était un véritable palladium. Je lui en ai fait lire une partie. Il y a eu, comme tu peux le croire, des larmes en quantité, plus par crainte de son avenir à elle que par véritable amour. Bref, peut-être t’écrira-t-clle : car elle ne peut croire que tu saches tout. Elle pense que tu ignores nos relations et les lettres que je lui ai écrit (sic). Mais tu sais tout. Ainsi ne te tourmente de rien. Il a été convenu que nous n’étions plus rien l’un pour l’autre qu’amis. Cependant elle m’a quitté en larmes et en colère. N’en parlons plus. Mais il fallait te dire cela encore une fois. N’en parlons plus, dans cette lettre du moins. Je vais achever ma pièce. Elle sera engagée et contente. Tout sera donc fini… » Et un peu plus loin : « Je lui ai remis ton petit mot. Il était fiévreux, et elle a eu grand’peine à y comprendre quelque chose, mais enfin je le lui ai remis. Je ne crois pas du reste qu’il y ait en elle amour profond. Il s’évaporera en mots aigres, puis la certitude que je veillerai toujours à son sort théâtral la consolera de tout. »
    N’allons pas plus avant. Tout cela n’est pas très édifiant. Ces échanges de lettres, cette mésestime de l’ancienne maîtresse affectée devant la femme jalouse manquent de délicatesse. Il importait seulement de donner à la partie passionnelle des Lettres à Mélanie (à partir de 1828) le caractère expérimental qu’il m’a paru qu’elles ont.

  1. Lettres inédites, 3 juin 1830. Cf. Antony, II, sc. i, p. 175. « Je le vois là, triste, pâle, regardant le bal. Je fuis cette vision… »