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DRAME POPULAIRE DE CAPE ET D’ÉPÉE.

Reine, Marguerite est digne de toutes les réprobations. Femme, elle a droit au respect et à la pitié. Ceci ne nous éloigne pas trop du xviiie siècle, ni de la sensibilité larmoyante. Il faudra qu’à deux révolutions le peuple français en ajoute une troisième pour que les dramaturges réalistes, au lieu de la reine chargée de toutes les horreurs et de la femme digne de tous les égards, nous représentent la femme-reine du xixe siècle, idole d’un culte universel, tourmentée d’une pareille soif de plaisirs et de la même impuissance d’aimer.

Nous n’en sommes pas encore là. En attendant, Marguerite escompte la sensibilité romantique et le bon cœur du peuple. Cette partie du rôle est de convention, sans aucun doute, de médiocre qualité littéraire, avec des scènes où la voix du sang le dispute à la jalousie, la curiosité à la coquetterie féminine, que Dumas n’a pas inventées et dont il ne prend guère la peine de renouveler l’expression ni les moyens. Pendant longtemps encore l’imagination du public se plaira à la vue de ces monstres féminins, de ces faibles femmes folles de leur corps, aux yeux de qui brille à point nommé la petite larme : perle inestimable qui n’efface point les crimes d’amour, les crimes que l’Océan ne pourrait laver, mais qui détend les nerfs de Jenny l’ouvrière accoudée à la rampe du paradis. Après Marguerite de Bourgogne, reine de France, voici venir les reines de beauté, la dame aux Camélias, Marguerite comme l’autre, Gautier comme les victimes, et qui aura à son commandement le pleur bienfaisant qui fond le courroux des pères. Alors ce ne sera plus l’heure d’appliquer aux héroïnes du drame le vers du poète :

Sincerum est nisi vas, quodcumque inlundis acescit[1].

  1. Horace, liv. I, Ép. ii, vers 54.