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DRAME POPULAIRE DE CAPE ET D’ÉPÉE.

de pensionnaire que le roi Louis le dixième lira demain avec bien du plaisir. Qui donc a dit que ce drame est immoral ? Nous sommes à la taverne : Buridan se recueille et songe à la vie de famille. Il voit clair dans son passé. Il apprend de Landry que Philippe était son fils, que Gaultier est frère de Philippe, l’un qu’il a vu assassiner, l’autre qu’il vient d’envoyer à la Tour de Nesle, c’est-à-dire à la boucherie. Désormais apparaissent inévitables la punition des crimes et le rachat des fautes, dans la Tour justicière.

Ce dernier tableau est d’un grand dramaturge qui tient la terreur à sa merci. Ni les moyens ni le style ne sont pour satisfaire les délicats. Aussi bien n’est-ce pas de délicatesse qu’il s’agit, mais d’une fatalité populaire, plus mécanique que celle d’Œdipe roi, et aussi plus moderne. Je crois savoir ce qui manque ici pour atteindre à la même grandeur. Mais je sais reconnaître tout ce que Dumas y a concentré d’émotion pressante, inéluctable. C’est une fièvre de l’action qui se hâte vers la fin, une tension des nerfs et des sentiments parmi l’atmosphère étouffante des suprêmes catastrophes. Buridan entre par le balcon, à la façon de Figaro : c’est une manie de ces héros, la plus innocente. Il déclare hautement qu’il dira plus tard, « pourquoi par cette fenêtre et non par cette porte[1] ». Je ne suis pas assuré qu’il le dise jamais. Mais à quoi bon noter ces bagatelles ? Il pénètre dans la Tour comme la foudre et la mort. Juste au moment que par une scène de double confidence Marguerite et Buridan apprennent l’un de l’autre leur misère morale, et cependant se reprennent à la vie pour l’amour de celui

  1. La Tour de Nesle, V, tabl. ix, sc. iii, p. 93. Il est évident que ces entrées par le balcon sont réglées sur celle de Figaro et du comte Almaviva à l’acte IV, sc. v, du Barbier de Séville. Voir plus haut, p. 135.