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DRAME POPULAIRE DE CAPE ET D’ÉPÉE.

doit envelopper, la femme insatiable, la créature de volupté, lasse et non soûle, embrase l’esprit et les sens de messire Jehan[1]. « C’est d’un style magique et ardent qu’elle peint la passion, n’est-ce pas[2] ? » dit un personnage de la Tour de Nesle. On devine que Dumas est un dramatiste beaucoup trop adroit pour offrir à nos regards ces scènes de feu, et que l’expression s’est apaisée, grâce à une claire conscience des nécessités dramatiques et au goût d’une certaine mesure à la fois imposée et subie par le spectateur, fût-il du commun.

À défaut du manuscrit original de Gaillardet, qu’il se peut que Gaillardet lui-même ait détruit, nous avons quelques renseignements de Dumas sur le travail de remaniement et d’invention auquel il se livra d’après ce manuscrit[3]. Certes, il convient plus que jamais d’être sur ses gardes à la lecture de Mes mémoires. Encore paraît-il bien que le véritable auteur du drame, je dis celui qui mit la chose au point, a dû s’écarter de l’exécution primitive autant et de la même façon qu’il s’éloigne de l’Écolier de Cluny. La même idée avait attiré Roger de Beauvoir et Gaillardet, qui la trouvaient dans Brantôme : c’était la peinture d’une nuit d’amour et d’orgie dans la Tour aux lueurs sinistres. Nous savons que Gaillardet avait exécuté cette scène la première[4] : mauvais signe. Ensuite, à travers les demi-aveux ou les discussions du procès, on devine que la pièce s’égarait, probablement comme l’Écolier de Cluny,

  1. L’Écolier de Cluny, ch. i, pp. 74 à 75.
  2. La Tour de Nesle, V, tabl. viii, sc. iii, p. 85.
  3. Mes mémoires, t. IX, ch. ccxxxiv, pp. 170-171, ch. ccxxxv, pp. 177-182, et ch. ccxxxvi} : Lettre de Dumas au Musée des familles, p. 205 : « Quant aux deuxième, troisième, quatrième et cinquième actes, ils s’écartaient tellement des habitudes du théâtre, qu’il était impossible d’en rien tirer. »
  4. Mes mémoires, t. IX, ch. ccxxxiv, p. 170.