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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

turer une scène historique, que Maison-Rouge et la vérité n’étaient plus que des comparses. La tragédie, d’où les événements extérieurs étaient éliminés, admettait sans peine ces anachronismes du cœur humain. Dans le drame, qui est tout action, où les faits comptent davantage, c’est proprement une violence faite à l’histoire.

Sans doute la passion est éternelle, mais variable par nature. Elle est universelle, mais sous des formes très diverses. L’idéal s’en modifie plusieurs fois pendant le cours d’un siècle, à mesure que les générations se succèdent. Entre l’amour qui s’exhale dans le monologue de Figaro et celui qui éclate dans Henri III les analogies sont frappantes ; les différences ne s’accusent pas moins. Figaro veut sa femme à lui ; Antony et Saint-Mégrin veulent pour eux seuls la femme d’un autre ; Guise violente la sienne pour perdre l’amant ; Dixmer perd la sienne par jalousie et pour sauver la reine. Figaro est jaloux et sensible. Guise jaloux et emporté, Dixmer jaloux, perfide et obstiné, tous individualistes et égoïstes, cela va sans dire. Mais si, à mesure que l’idéal passionnel évolue, il altère les faits et pèse sur la conception des types (en dépit de la fatalité, qui en est la vérité précaire, et dont le nom seul ne varie pas), que devient la vérité historique ?

Elle n’est qu’un cadre où l’intrigue subit la tyrannie de la passion, l’une toujours inférieure à la réalité, l’autre toujours adventice et moderne. Elle n’est pas autre chose dans Patrie ou la Haine[1], œuvres de premier ordre selon la formule du Chevalier de Maison-Rouge. Plus soigné dans le détail, plus conforme aux progrès de la science archéologique, le spectacle de Théodora ou de Thermidor abonde en tableaux saisis-

  1. Voir Préface de la Haine.