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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

quinze années Rome entière et lui-même tenaient pour enterrée vivante[1]. Après qu’il a rencontré Charinus, la voix du sang le remue ; il se réjouit ou se désespère à la pensée de sa paternité. Il n’est plus lui-même ; il tourne le dos au Catilina de l’histoire. Il est le drame moderne ; il est bon père et presque bonne mère, selon la formule romantique ; surtout il est père d’un enfant non reconnu, ou connu trop tard, presque selon la formule qui prévaudra après 1852. Que lui veut-on, à présent, avec le résultat des élections ? Il songe à sauver son Charinus. Que nous fait la reprise de la conjuration ? Nous venons de voir Catilina tout attendri sur ce cher Charinus qu’il tient serré dans son giron. La femme jalouse se venge sur l’enfant. Catilina est sans force, étant désormais sans passion. Il meurt, et avec lui périt son entreprise. Et l’on se doute pourquoi Dumas en a fait le protagoniste, au lieu de Cicéron. Du personnage politique il n’avait qu’à moitié souci. Il lui fallait d’abord un héros de drame. La pièce a nom Catilina et se passe à Rome ; elle eût pu se passer à Paris, avec ce titre : Quinze ans après, ou le fils de la religieuse. S’il vous plaît de distinguer nettement, du point où nous sommes, combien Dumas s’attache à l’histoire, revoyez dans Salluste l’amour paternel de Catilina : « … Plus tard, il s’éprit d’amour pour Aurélia Orestilla… Comme elle hésitait à l’épouser, à cause d’un fils déjà grand qu’il avait eu d’un premier mariage, il passe pour constant que, par la mort de ce fils, il fit place dans sa maison à cet horrible hymen[2]. »

J’ai dit avec quelle érudition chaque personnage est physiquement dessiné. Ne nous arrêtons pas aux costumes ni aux masques. C’est un Catilina de 1848 et

  1. Catilina, III, tabl. iv, sc. v, p. 97.
  2. Salluste, op. cit., ch. xv, p. 26.