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DRAMES HISTORIQUES.

Dumas n’a représenté qu’une époque, un moment des siècles, qui est contemporain de Dumas ; à travers les monuments et les textes, il a vu l’âme française telle qu’il l’imagine entre 1830 et 1848 ; même en remontant aux sources, même en devenant « un composé » de Salluste, de Cicéron, de Plutarque, de Valère Maxime, il n’a songé qu’à Antony et à Fourier[1].

Je fais bon marché des tons criards et des transpositions inévitables. Il est certain que le jeune Cicada, citoyen romain des boulevards extérieurs, et qui clame : « Ohé ! les sénateurs ! ohé[2]  ! » nous éloigne des Carènes et même de Suburre. Les archéologues goûteraient médiocrement ce trait d’une érudition gamine : « Ce matin, je me suis présenté chez vous. — À quelle heure ? — À la première[3]. » Plusieurs suffoqueraient, s’ils entendaient le pédagogue dire à ses élèves : « Allons, la dixième heure est criée. Assez de récréation comme cela… Formez-vous deux par deux, et rentrons à la maison[4]. » Ils tiendraient César pour un peu bien moderne, quand il « fait jeter dans les urnes 75 000 bulletins blancs[5] », et il leur paraîtrait tout à fait Girondin dans ses compliments à Fulvie : « Ah ! vous venez aux Comices… C’est d’une bonne citoyenne[6]. » On sait les réjouissants effets qu’ont obtenus par ces procédés les auteurs de la Belle Hélène.

  1. Musset, qui avait si finement, mais aristocratiquement, critiqué dans les Lettres de Dupuis et Cotonet l’art humanitaire de l’imagination romantique en 1830, a noté dans Dupont et Durand les utopies sociales où cette imagination se perd aux approches de 1840 :

    Et pour me réveiller,
    Personne à qui parler des œuvres de Fourier !

  2. Catilina, I, tabl. ii, sc. i, p. 25.
  3. Catilina, IV, tabl. v, sc. xi, pp. 129 et 130.
  4. Catilina, I, tabl. ii, sc. i, p. 22.
  5. Catilina, IV, tabl. v, sc. xiv, p. 135.
  6. Catilina, ibid., sc. xv, p. 135.