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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

était tourné vers l’histoire, en un drame de conjuration, à cette heure de notre révolution troisième.

De Crébillon nous n’avons point affaire. Mais nous ne saurions omettre Rome sauvée ; car c’est une tendance de la critique, en ces derniers temps, de faire dériver le drame des tragédies de Voltaire. Cette pièce, en répandant le jour sur la formule de Dumas, nous montrera les procédés contraires et l’infranchissable distance de ceci à cela. Voltaire, au moins, n’a pas mieux connu les sources, ni que Dumas, ni surtout que Maquet. Rome sauvée est d’un excellent humaniste ; je dis excellent, au vrai sens du mot. S’il s’inspire du Jules César de Shakespeare, c’est avec infiniment de précaution[1]. Il assemble le sénat, mais il ne hasarde pas une assemblée du peuple, dût-il amortir sur les lèvres d’un licteur l’effet du « vixerunt » jeté par le consul, en plein forum, aux partisans tumultueux de Céthégus et de Lentulus[2]. De la conjuration Corneille eût fait sans doute un récit ; Voltaire se risque à en mettre un ou deux épisodes sur le théâtre, mais avec modestie. Il esquisse quelques tableaux de moeurs, mais d’une sobriété avisée et presque classique. Catilina donne ses ordres, prend ses mesures, non plus dans la coulisse, mais toujours un peu à la cantonade. De fait, il parle plus qu’il n’agit. La séance historique du sénat où fut prononcée la première Catilinaire n’a pas effrayé l’auteur. Il s’y essaye au quatrième acte, et tout de même il l’esquive, il l’émiette en courtes oraisons. Ce n’est plus Cinna, et ce n’est ni Jules César ni le drame,

  1. Pour la seconde manière du caractère d’Aurélie, celle de 1752, il emprunte les principaux traits de Portia, femme de Brutus. Cf. Rome sauvée, I, sc. iv, pp. 216-218, et Jules César, II, sc. i, pp. 428 sqq.
  2. Voltaire, Théâtre, t. IV (Garnier frères, Paris, 1877), V, sc. iii, p. 264.

    Eh bien, les conjurés ? — Seigneur, ils sont punis.