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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

Car tout y est, en substance. C’est un abrégé du drame, sinon « de l’histoire de tous les temps[1]  ». Figaro porte au front l’auréole de son énigme originelle. « Fils de je ne sais pas qui », il peut juger les grands avec indépendance, l’indépendance anonyme du peuple souverain. Qu’entend-on par le drame historique ? L’histoire commence à cette progéniture de Figaro. Il n’y a plus ni maîtres, ni valets, mais des enfants du hasard, grands d’Espagne, si le destin l’avait voulu nés du moins avec du génie et des appétits comme s’ils étaient de toutes les Espagnes les plus grands. Tous s’engagent à l’envi en un tumultueux exode vers la Jouissance et la fortune. Le « tandis que moi, morbleu !» modifie singulièrement l’optique de l’histoire au théâtre. À présent que la partie engagée par Figaro est gagnée, l’heure a sonné de mettre sur la scène les princes et les puissances de ce monde à leur juste niveau, qui est immédiatement au-dessus du parterre. « Noblesse, fortune, un rang, des places, cela rend si fier ! » Il paraît que l’histoire est remplie de ces fiertés-là, qu’il se fait temps de réduire. « Fils de je ne sais pas qui » et « tandis que moi, morbleu ! » sont les deux maximes fondamentales du théâtre nouveau, que l’histoire attire. Le drame historique, Dumas sent bien qu’il est une résurrection, mais dans le présent et pour les passions d’à présent. Il apparaît comme le commentaire pittoresque et scénique des vers du poète :

Ont-ils rendu l’esprit, ce n’est plus que poussière
Que cette majesté si pompeuse et si fière,
Dont l’éclat orgueilleux étonne l’univers[2]

On rapprochera les temps, on confondra les dates ; on les fera s’agiter et frémir, ces « âmes hautaines »,

  1. Voir p. 220, n. 1.
  2. Malherbe, Poésies, C. Paraphrase du psaume cxlv.