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LE DRAME d’ALEXANDRE DUMAS.

Mais Yaqoub se reprend ; la scène se retourne. Déjà rêves d’Orient, caresses de la voix, gestes souples et félins sont impuissants. Du réalisme le moins timide cette femme candide, mais jalouse, se fait une arme. Pour vaincre les scrupules de l’esclave, elle lui broie le cœur ; elle lui dévoile le passé, les intimités conjugales ; elle est d’une pathétique impudeur. Parmi ces peintures embrasées, se détachent les mots dramatiques, terribles et logiques, à double portée, à deux tranchants, les vers passionnés et d’une perfidie féminine, qui enfoncent, à même la chair, comme des clous sanglants.

Mais tu ne comprends pas, toi, tu n’es pas jaloux[1]


Ou encore :

Lui vivant, il nie reste un espoir de retour ;
Lui mort, je t’aimerai de tout cet autre amour[2].

Tant il y a que cette scène de drame, conçue d’après le modèle de la tragédie, se termine par le cri de victoire de la femme menaçante : « Enfin ! » Au moment que Dumas croit atteindre à la pure forme classique, il se dégage malgré lui, de toute la vigueur de son tempérament athlétique, et se jette, tête baissée, dans les angoisses de la passion. Il élit Racine pour son maître ; il aboutit au triomphe de la fantaisie et du réalisme sensuel. Mais, avec tout cela, il écrit une des plus fortes scènes que je connaisse, et des plus rigoureusement construites.

Charles VII n’a pas réussi du premier coup ; partant, Dumas l’aimait peu. C’est sa meilleure pièce en vers ; il n’a pas eu trop de ses dons pour exécuter cette

  1. Charles VII, V, sc. ii, p, 310.
  2. Ibid.