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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

BÉRENGÈRE.

Eh bien, si tout à l’heure,
Le comte franchissant le seuil de sa demeure
Disait à haute voix : « Bérengère, es-tu là ? »
Je n’oserais, je crois, répondre : « Me voilà ».

YAQOUB, avec tristesse.

Si ce que vous avez dit est vrai, [ô] pauvre femme,
Rassemblez donc alors les forces de votre âme
Pour résister au comte ou lui crier merci,
Car ce moment approche et le comte est ici.

BÉRENGÈRE.

Ici ? non… non… Quelqu’un serait venu me dire[1]

Ni les vers n’étaient sans accent ni le jeu de scène d’Yaqoub sans effet. Mais ce couplet faisait double emploi avec la confession de Bérengère au chapelain, dont le mouvement et les mots de valeur sont les mêmes comme aussi quelques rimes[2]. Mais surtout il était contraire à la vraisemblance : le moyen qu’Yaqoub résigne sa volonté entre les mains de Bérengère, si elle lui dit d’abord son amour pour son mari ? De ces variantes je n’ai cité que l’important, ce qui tendait à montrer combien Charles VII est une pièce soignée et travaillée. « C’est que Charles VII est surtout une étude, écrivait l’auteur, une étude laborieusement faite, et non pas une œuvre primesautière[3]. »

Est-ce une tragédie ? Est-ce un drame ? Je ne soulève pas une question de scolastique ; car il est bien évident

  1. Manuscrit original, p. 13, vers 4 — Charles VII, I, sc. iv, p. 244, vers 8. Dumas a fait le raccord à l’aide de deux vers et demi de dialogue coupé :

    Yaqoub, que dites-vous ? — J’oubliais… ah ! pardon !…
    Qu’un autre défenseur était là. — Lequel donc ?
    — Le comte — Ici ? — Le comte. — Et nul ne vient me dire…

  2. Cf. Charles VII, II, sc. ii, p. 254, vers 15. « Et depuis que ma main… », etc.
  3. Mes mémoires, t. VIII, ch. ccvii, p. 204.