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DRAMES TRAGIQUES.

Enfin le drame lui succède, dans les deux derniers actes. Après une dernière discussion entre Monaldeschi-Gormas et Diègue-Sentinelli [1], le cadre éclate, l’œuvre se redresse, la crise se noue, et Dumas, en dépit de Melpomène, suit son instinct. Enfin ces personnages discoureurs agissent et tendent vers un but. Ils ne deviennent pas des caractères ; cependant l’action les transfigure. C’est le drame, avec quelques scènes encore imitées de Gœthe et de Schiller, mais d’autres originales et vigoureuses où l’auteur d’Henri III se retrouve. Et se retrouve ce mouvement ramassé, haletant, qui étreint le spectateur à la gorge. À la fin du quatrième acte, adieu la tragédie : c’est la lutte à mort. Le cinquième est court et enlevé d’une main hardie. La lâcheté même de Monaldeschi, on ne saurait nier qu’elle produise un effet saisissant. Si l’on objecte que l’auteur abuse de nos nerfs, je réponds que les délicats sont malheureux, mais qu’il est, lui, dans sa veine et dans le beau de son génie populaire. Les sentiments du peuple naissent de sensations vives. Quant au mot de la fin :

Eh bien, j’en ai pitié, mon père, qu’on l’achève[2] !


celui qui l’a trouvé, pour son coup d’essai, est un maître homme de drame : il ne sera jamais en peine de conclure. Songez-y : ce vers qui clôt deux actes d’émotion poignante est encore un vers d’action. Que dis-je ? Il est l’action suprême ; il ébauche le geste décisif et meurtrier, beaucoup plus qu’il n’exprime un sentiment. Est-ce un vers de tragédie ? Est-ce même un vers ?

  1. Christine, IV, sc. i, pp. 255 sqq.
  2. Christine, V, sc. vii, p. 292.