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DRAMES TRAGIQUES.

Banalité d’expression : « l’œil avide » ; embarras de syntaxe : « et la retrouvant vide de soupirer » : le pire Dumas était là, concentré. Il y était pareillement, quatre vers plus loin, avec son manque de tact et ses truculentes délicatesses, en ce fragment de dialogue introuvable dans la brochure :

Et vous, que ferez-vous d’ici là ?
— J’attendrai.
— Mais fidèle à la foi que vous m’avez jurée.
Sans qu’aucune autre femme…
— Oh ! vous m’êtes sacrée !
— Qu’ainsi soit donc, marquis, et quand vous reviendrez,

Peut-être de l’exil vous vous applaudirez[1].
Mais je garde quelqu’un


Il n’est pas impossible que de Vigny et Hugo aient rayé ce morceau, épargnant aux lèvres de Christine ces niaiseries échauffées. Ils auraient pu biffer d’un large trait de plume d’autres beautés de cet ordre. Il en reste dans ce cinquième acte, et dans les précédents[2]. Néanmoins toutes ces maladresses ou défaillances ne font pas que les vers aient tué la pièce.

La vérité est qu’en poésie Dumas a deux styles, l’un déclamatoire et vide, et souvent incorrect, qui est la plus plate imitation de la tragédie, et un autre vigoureux par la couleur, le relief, la sensibilité, et singulièrement expressif, lorsqu’il attrape la scène dra-

  1. Manuscrit original. Cf. Christine, V. sc. vi, p. 287, vers 22.
  2. L’entrée d’un médecin, Borri, à la fin de la scène vi, a été supprimée. Il disait :
    Madame, si mon art m’est aujourd’hui fidèle.
    J’en réponds…. Ah ! du bruit.

    Ce bout de rôle, qui n’était pas d’un effet saisissant, était amené par ce vers de Christine :

    Qu’on appelle Borri ; qu’il vienne à l’instant même.

    Borri reparaît dans l’Épilogue, sc. I, pp. 292 sqq.