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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

bleau, selon les unités de temps, de lieu et d’action recommandées par Boileau. Le rôle de Paula n’y avait pas encore paru. Et sans doute il importerait peu de savoir ce qu’était cette œuvre primitive, qui ne fut jamais représentée, si les confidences de l’auteur ne faisaient voir à plein la contradiction fondamentale de ces drames tragiques, classiques par la force de la tradition et malaisément révolutionnaires. Ces romantiques, en vérité, étaient plus bruyants que clairvoyants. Dumas surtout, avec son instruction de hasard, est fasciné par la pièce en vers, parce qu’évidemment cela est plus distingué, comme dit l’autre. Il se flatte de voisiner avec les maîtres. Emporté dans le courant de l’esprit et de l’imagination populaires, il ne se rend pas compte qu’affrontant la tragédie il contrarie sa veine et son talent.

Il fait des vers, et dans sa joie laborieuse il ne s’avise point qu’empruntant la forme et le cadre de la tragédie il abâtardit le drame. L’une éloigne les personnages dans le temps et dans l’espace ; et, dans ce recul propice aux généralisations, elle en fait des types universels et presque toujours plus grands que nature. L’autre est d’inspiration plus démocratique, il rapproche les hommes et les temps passés et les met à notre niveau[1]. Par suite, l’une peint des caractères et des passions, et ne se sert des événements que pour la clarté de ses peintures ; et l’on pourrait dire, sans trop exagérer, que chaque pièce de Corneille est une théorie de la volonté, et de Racine un traité de l’amour. L’autre, né après les événements les plus considéra blés qui aient étonné le monde depuis nombre de siècles, œuvre de l’imagination d’un peuple qui brûle

  1. Voir prologue de Christine, p. 203.

    Vous ne-me trompez pas ? C’est elle que voilà ?
    — Qu’en dis-tu ? — Je la crus plus grande que cela.