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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

plus en plus un héros uniforme et peu complexe, bien campé, l’œil vif, le verbe haut, la dague rapide, beau cavalier fidèle à sa dame, un composé de d’Artagnan et du brave Bussy. Paul Jones et d’autres sont sur ce modèle ; et nous verrons ce qu’est devenu dans le drame le vrai chevalier de Maison-Rouge. Ces ligures se cristallisent à mesure qu’elles deviennent plus populaires, au lieu que celles des pièces « en habit » se précisent et s’achèvent, toutes les fois que l’auteur fait effort et œuvre d’art. À partir de 1842, ces efforts sont plus rares, sans être négligeables.

Surtout le drame moderne de Dumas se transforme avec le public. L’état de l’âme française en 1840 n’est plus celui de 1830. Les temps approchent, où le souffle desséchant du positivisme va s’étendre sur notre bourgeoisie. Dumas n’est plus l’homme de ces temps ; mais il est toujours l’homme du drame. Il a le sentiment que l’imagination est en train de céder à la logique, à la mathématique, à la loi. On trouvera cette préoccupation, enveloppée de quelque verbiage métaphysique, dans la préface qui annonce le Comte Hermann[1]. Et l’on y distinguera, à travers des velléités de prédication sociale, la ferme volonté de se renouveler dans le sens de la « foule[2]  ». « …Les passions ne seront plus les mêmes, dit-il, parce que l’âge où j’écris est différent… parce que j’ai passé à travers ces passions que j’ai décrites, parce que j’en ai mesuré le vide, parce que j’en ai sondé la folie, parce qu’à cette heure enfin je vois la vie de l’autre côté de l’horizon[3]. » La France aussi touche aux antipodes. Demain elle aura franchi la première moitié du siècle, dont l’aurore est déjà lointaine et la légende reléguée. La fantaisie se calme,

  1. Préface de le Comte Hermann (Th., XVI), p. 199.
  2. Ibid., p. 198. « Il sait que cette foule…, etc. »
  3. Ibid., pp. 198, 199.