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L’ŒUVRE DRAMATIQUE.

peuple, c’est-à-dire une force morale et sociale. Pour l’instant, l’imagination populaire s’est haussée jusqu’à un certain individualisme orgueilleux et quelque peu chimérique, prête à saluer de ses applaudissements le drame historique ou de cape et d’épée, qui contente son goût d’aventures et je ne sais quel fatalisme superstitieux, — prête à couvrir de ses bravos redoublés l’homme moderne, tout frais issu des grands événements de la veille, impatient et avide en un siècle adolescent ; tel le jeune Romain du poète

Sublimis cupidusque et amata relinquere pernix[1].

Tout cela est dans la Tour de Nesle ; mais Gaillardet ne l’avait pas apporté de Tonnerre. Car c’est justement l’évolution fougueuse du drame d’Alexandre Dumas.


II

DÉVELOPPEMENT DE SON ŒUVRE DRAMATIQUE.

Quand on la considère d’ensemble, on dirait d’une Babel élevée au hasard des matériaux, et sans autre direction que le caprice ou le besoin de l’ouvrier.

  1. Horace, Art poétique, vers 165.
    Voici quelques lignes de Taine, qui sont comme la clef du drame du XIXe siècle et surtout de Dumas : « C’est en France, pays de l’égalité précoce et des révolutions complètes, qu’il faut observer ce nouveau personnage, le plébéien occupé à parvenir : Augereau, fils d’une fruitière ; Marceau, fils d’un procureur ; Murat, fils d’un aubergiste ; Ney, fils d’un tonnelier ; Hoche, ancien sergent, qui, le soir, dans sa tente, lit le Traité des sensations de Condillac ; et surtout ce jeune homme maigre, aux cheveux plats, aux joues creuses, desséché d’ambition, le cœur rempli d’imaginations romanesques et de grandes idées ébauchées… » (Histoire de la litt. angl., liv. IV, ch. i, p. 238.)