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L’ŒUVRE DRAMATIQUE.

subtilités de la chicane ou des finesses des intéressés. Faute de la résoudre, nous ne pourrions passer outre à cette étude.

Sans doute, il vaudrait mieux être le père unique des œuvres que l’on signe de son nom. Et je reconnais que l’accueil fait par Dumas aux idées d’autrui, lui a nui plus qu’il ne pensait, et de toutes manières. Il a parfois fabriqué le drame comme le roman (Maison Alex. Dumas et Cie disait Mirecourt[1]), avec des compagnons qui travaillaient sous lui, avec boutique, atelier et enseigne ; il a fait le demi-gros et le gros dans son usine du Théâtre-Historique ; il a dirigé cette industrie comme M. Thomas Graindorge celle du porc salé. Cela ne touche en rien au point du litige.

En cas de collaboration, de qui est la pièce pour l’historien littéraire ? À qui la Tour de Nesle ? À celui qui apporta l’idée, ou à celui qui l’exécuta ? Le différend est là, et non pas ailleurs.

Il suffit d’avoir lu quelques manuscrits dramatiques, ou suivi dix répétitions pour avoir une opinion ferme. La pièce est à celui qui l’a exécutée. — Mais, faute d’une idée, Dumas ne l’eût pas faite ? — À la bonne heure, mais il en eût fait une autre. Or la Tour de Nesle, faite par Dumas, obtint un grand succès : Dumas y était donc nécessaire. — Mais Gaillardet avait remis un manuscrit, où l’idée avait déjà pris forme. — Nous y voici. Qu’est-ce qu’une idée de pièce ? Une situation, un tableau, ou, pour mettre les choses au mieux, un cas dramatique ou comique, moral ou social, c’est-à-dire quelque chose de l’incertain devenir, et qui dépend absolument du tour de tête et du tour de main. Qu’est-ce qu’un manuscrit de théâtre ? De l’écriture, d’où il s’agit d’extraire

  1. Fabrique de romans, maison Alexandre Dumas et Compagnie, Paris, chez tous les marchands de nouveautés, 1845.