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L’ŒUVRE DRAMATIQUE.

un résultat, sinon complet, du moins original ; sinon remarquable, du moins individuel[1]. » Quoique faiblement écrit cela s’entend : le théâtre est une question de flair, de souffle, de tempérament — et de métier.

Cette insuffisance de la théorie n’est pas pour nous étonner chez ce dramaturge. L’absence de l’esprit critique montre encore à quel point il a le don du théâtre. Il est à faire frémir. Il prononce des arrêts sans appel, des jugements d’imagination ou de passion, qui feraient de lui l’Hotspur du romantisme. Il n’y est parlé que « d’appréciation personnelle », de « sympathie littéraire », de « tempérament physique et moral[2] ». En dépit de ses lectures tardives et hâtives, les lacunes de son instruction apparaissent irrémédiables. Il est incapable de mordre aux idées ; ou, s’il y mord, il dévore, les grandes synthèses ni les vastes conceptions ne l’effrayent point. Ses plus vastes symboles sont bientôt campés, en chair et en os, sur la scène. Quant aux faits, il les observe de fantaisie, si je puis dire, et les arrange à son gré. Il chevauche Eschyle, Sophocle, Euripide, Shakespeare et autres illustres maîtres : il vide les dictionnaires encyclopédiques[3]. Il y ajoute quelques erreurs, qui sont de son cru, pour avoir mal lu, ou trop vite ou depuis trop longtemps. Il pense que la Lettre sur les occupations de l’Académie française est de Bourdaloue[4], et attribue à Pradon l’honneur d’avoir fondé la critique de détail[5]. Il a ainsi quelques lapsus, qui sont des vétilles, et que nous retrouverons dans ses pièces. Nous verrons Corneille

  1. Préface de Charles VII chez ses grands vassaux, p. 228.
  2. Souvenirs dramatiques, t. II. L’Ulysse de Ponsard, p. 361 et passim.
  3. Ibid., t. I et II.
  4. Mes mémoires, t. VIII, ch. cci, p. 126.
  5. Souvenirs dramatiques, t. II. L’Ulysse de Ponsard, p. 355.