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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

mêleront aux drames et les drames aux romans, et les drames-romans brocheront sur le tout. Aux yeux des ignorants il passera uniquement pour le père de la terreur et de la pitié qui sévit, depuis nombre d’années, à l’Ambigu, appelé Comique par un regrettable excès de langage. Et il en est sans doute l’ancêtre, après Pixérécourt, étant le créateur du drame moderne sous toutes les formes, sans trop raisonner son affaire. Toutes ses facultés y inclinent, comme les fleuves s’écoulent vers l’océan. Il écrit, « non suivant un système, mais suivant sa conscience[1] » ; entendez : sa complexion. « Les romantiques font tous des préfaces[2] », observe l’abonné du Constitutionnel. Dumas n’en fait guère, sinon pour louer le mérite des comédiens, ou donner de ses œuvres des classifications étranges. Mais il exécute des pièces, où il met toute son imagination, toute sa vitalité sensible et sensuelle : il y est dans sa fonction totale. L’homme qu’il est se marque en son drame, parce qu’il est l’homme même du drame. Voilà pourquoi il apparaît à peu près innocent de toute théorie, et fait montre d’un libéralisme pleinement admirable. « Le théâtre, déclare-t-il, est, avant tout, chose de fantaisie ; je ne comprends pas qu’on l’emprisonne dans un système… Laissez chacun prendre son sujet à sa guise, le tailler à sa fantaisie ; accordez liberté entière à tous, depuis les douze heures de Boileau jusqu’aux trente ans de Shakespeare, depuis les trilogies de Beaumarchais jusqu’aux proverbes de Théodore Leclercq : et alors chaque individu flairera ce qui convient le mieux à son organisation, amassera ses matériaux, bâtira son monde à part, soufflera dessus pour lui donner la vie, et viendra au jour dit, avec

  1. Théâtre, I, Un mot, p. 115.
  2. Antony (Th., II), IV, sc. vi, p. 210.