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LE DRAME NATIONAL ET « HENRI III ».

les cœurs serrés. Il s’agit d’arracher le reste du billet. Cris et répliques s’entre-croisent ; la duchesse s’évanouit ; le gantelet est impitoyable : « Eh non, madame ! » La phrase de la lettre en suspens s’achève dans un cri de douleur et un sanglot ; 6o reproches ; on appelle le page ; enfin la situation douloureuse prend fin dans une suprême angoisse : Saint-Mégrin est un homme mort. Toutes les phases de la jalousie physiologique et passionnelle ont été exprimées sous nos yeux, et vigoureusement imposées à notre émotion ensemble rebelle et complice.

Les interprètes d’Henri III ont-ils « ressuscité des hommes et rebâti un siècle[1] ? » C’est la question même du drame historique, que nous aborderons plus tard. Du moins, ils représentaient des hommes d’action et de passion, c’est-à-dire la vie telle que la rêva une génération condamnée à rêver, après les exploits et les grands coups de la précédente. Ces héros passent à travers les fortes situations de la pièce comme des lions à travers les flammes. Ils sont vraiment des lions superbes et généreux. Ils ont moins de logique que d’énergie instinctive et rectiligne, ou plutôt leur logique est dans la tension de leurs muscles et de leur volonté. Ils sont des ressorts peu compliqués, c’est-à-dire très populaires. Quand ils aiment ou haïssent, c’est de toutes leurs forces et de tous leurs appétits. Et les aventures ne leur font pas peur ; ils en ont le génie : c’est leur fatalité. Par la vigueur de sentir et de vouloir qui s’agite en ce drame, Dumas est en contact avec l’âme de son temps et il la dépasse.

Dans le cadre de ces peintures historiques la passion vit et frémit, telle que le public, je ne dis pas celui des Méditations, mais le peuple, oui, vraiment, ce peuple

  1. Théâtre complet, I, Un mot, p. 118.