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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

titué dans sa forme presque définitive. En ce sens, Dumas a pu en résumer la formule : « En fait d’art dramatique, tout est dans la préparation[1]  ». Seulement, la préparation est continue, jalonnée d’acte en acte, et de scène en scène, au lieu que toutes les « semences » de la pièce soient contenues dans l’exposition. L’armature de l’œuvre implexe est ainsi plus flexible et articulée. On comprend qu’elle soit nécessaire à un théâtre où les mœurs et les événements occupent une place prépondérante[2].

Il s’agit d’amener Saint-Mégrin à la scène finale du rendez-vous, où il trouve la mort. Notez que, pour être historique ou à peu près, elle n’en est pas moins invraisemblable. Si c’était un mignon sans cervelle, passe ; mais Dumas en a dû faire l’adversaire de Guise, le vaillant conseiller du roi : un danger pour les projets ambitieux de Catherine, un modèle de jeune et fervente tendresse amoureuse. Eh quoi, Saint-Mégrin, qui se souvient de Dugast, qui peut s’attendre à toutes les embûches, s’en va, sur la foi d’un billet, comme un bon étourdi, à l’hôtel de Guise, de nuit, confondu parmi les Ligueurs ? La difficulté est manifeste, mais la catastrophe et la suprême émotion sont à ce prix. Or voyez l’art et le travail du dramaturge, d’un vrai, celui-là. J’ai dit que Catherine manœuvre ces ambitions et ces passions. Et l’on accordera que cela n’est point mal vu.

Il faut tout tenter et faire
Pour son ennemi défaire[3].

  1. Histoire de mes bêtes, ch. i, p. 3.
  2. Beaumarchais avait utilisé le jeu des accessoires, qui sont comme les signes matériels de ces préparations dans le drame comme dans le vaudeville : clefs, lettres, toques, cicatrices, etc. Il va sans dire que Beaumarchais les avait empruntés de l’espagnol, et Corneille aussi.
  3. I, sc. i, p. 123.