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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

drait à la fin convenir. Dumas vise la foule ; et l’essentiel, en cette affaire, n’est pas que la couleur soit déliée, mais adroitement répandue à la surface. Il s’agit de représenter Henri III — et sa cour ; c’est à savoir un drame de passion et de mœurs. Or j’estime que, malgré quelque affectation de science juvénile, l’acte II, celui de la cour, est exécuté de main de maître, que des touches successives achèvent peu à peu le tableau, que nos yeux, nos oreilles, notre esprit sont comme remplis de cette impression que voilà une époque singulière, avec ses qualités d’action et ses vices florentins, sa foi et ses superstitions, ses passions et ses débauches et ses simagrées. Et je dis que déjà paraissent les procédés du crayon qui dessinera le Demi-Monde ou le tableau de l’acte I du Père prodigue. Si l’on observe que ces procédés ne sont point ceux de la tragédie, oh ! que l’on a raison, et avec quelle prudhommie ! Autre temps, autres mœurs, autre public. Que ne nous dit-on encore : Ah ! si vous aviez vu la Champmeslé ?

Pour le mélange des genres, Dumas suit sa veine. Il innove en dramatiste. À la vérité, cela ne fait pas un problème pour lui. Il n’oppose point le sublime au grotesque. Il est en scène. Les mots plaisants jaillissent parmi les situations. La gaîté s’insinue dans le tissu du drame et fait corps avec lui. Joyeuse, le bien nommé, l’émaille de ses saillies, sans avoir pour unique emploi d’exciter le rire. Il n’est pas un gracioso. Il a une verve de santé, qui est du premier coup au point du théâtre, et qui passe la rampe. L’esprit de théâtre, c’est l’esprit de tout le monde, en projection. Dumas l’a justement de cette sorte, et le projette. Joyeuse n’est un raffiné que sur le terrain. Il ne coupe pas les actes en deux pour y faire à l’antithèse sa part. Il n’arrête point la pièce, ni le mouvement d’ensemble, pour se détirer à l’acte IV, dans le vif de la crise.